En voyage à la maison : Survivre à la vie d'adulte
Ceux qui ont lu mon dernier article comprendront bien vite que je ne peux sans aucun doute mettre de côté mon insatiable besoin de liberté lorsque je suis au Québec pour quelques mois de suite… Longtemps dans ma vie, j’ai cru qu’être «à la maison» ne servait qu’à une chose: Amasser l’argent nécessaire à mon prochain voyage (et obtenir un ou deux diplômes à temps perdu, tant qu’à y être pour m’assurer une sécurité si un jour le goût de l’aventure me passait!). Dès que j’ai eu l’âge de le faire, j’ai travaillé 7 jours par semaine, 12 heures par jour et étudié la nuit pour accélérer l’attente jusqu’à ma prochaine escapade. Et puis, il va sans dire que je ne me suis jamais contentée de piètres vacances de deux semaines. Non! Moi, j’ai toujours eu besoin de quelques mois pour m'imprégner pleinement de la culture de chaque endroit où j’ai mis les pieds. J’ai donc dû quitter chacun de mes emplois pour partir à l’étranger et chaque fois, je suis revenue au Québec les mains vides, mais la tête et le coeur bien remplis. Avec les années, toutefois, j’ai commencé à trouver difficile de ne jamais avoir de «chez moi» et de recommencer à zéro à chaque mois d’octobre. Je me suis souvent retrouvée avec le temps gris, à l’arrivée du froid, à vivre dans ma voiture et d’autres fois même devoir retourner dans le sous-sol de chez mes parents. #PasGlorieux. En approchant la trentaine, toujours pas de petite famille en vue à force de ne pas passer plus de trois mois au même endroit, présentant un CV avec une liste interminable d’emplois à court terme, je me suis dit que je devais manquer de professionnalisme aux yeux des employeurs, en tant que jeune criminologue et que je devais commencer à penser sérieusement à me bâtir un avenir, ici ou ailleurs, du moins.
Et puis, par le plus heureux des hasards, alors que j’ai abandonné l’idée de travailler à temps plein comme une adulte responsable et que j’ai décidé de vivre de la photographie, j’ai reçu une offre que je n’ai pas pu refuser. Je vivais la fameuse van life sur la côte-est des États-Unis lorsque j’ai reçu l’appel de Caroline qui se trouve à être la directrice de l’entreprise pour laquelle je travaille depuis… Car cette femme, aussi étonnant que cela puisse paraître, a décidé de voir ma longue liste d’expériences de travail et mon encore plus longue liste de pays visités comme une richesse, plutôt que comme une limite. Elle a trouvé mon cheminement fascinant et s’est dit qu’il fallait le mettre au profit des jeunes en difficulté pour leur redonner le goût de vivre et de suivre le droit chemin (Pas trop droit quand même!). Elle m’a engagée en sachant que j’avais déjà un billet d’avion en mains pour partir arpenter l’ouest canadien en camper van quelques semaines plus tard, et que je partirais en contrat de photographie en Éthiopie au mois de Janvier suivant, sans compter le mois de vacances auquel j’aurais droit l’été suivant. En fait, elle a exactement su comprendre la personne que j’étais fondamentalement et s’est dit qu’en ne me menottant pas, je pourrais possiblement apporter beaucoup aux jeunes marginalisés de la région.
Mais l’aventurière en moi devait absolument trouver un moyen de s’adapter à cette vie rangée d’adulte qui se tape le trafic tous les matins et tous les soirs et fait des rencontres thérapeutiques dans un bureau sans fenêtre 5 jours par semaine (Ça ou un film d’horreur, c’est à peu près la même chose)! J’ai donc tenté d’analyser ce qui faisait en sorte que je me sentais si bien, si libre en voyage et j’ai conclu que c’était l’absence de stress, le contact avec la nature, les nouvelles rencontres et la possibilité d’être moi-même sans le moindre filtre. Je me suis alors demandée comment je pourrais faire pour reproduire tous ces éléments dans mon quotidien. Non pas pour cesser d’avoir besoin de voyager, mais du moins pour arrêter de ne me sentir parfaitement à ma place qu’à l’étranger.
C’est donc depuis cette révélation qui s’est présentée à moi que j’ai commencé à profiter de ma vie «à la maison», au Québec, comme si j’étais en voyage. J’ai mis quelques temps à apprendre à refuser les contrats photo durant les fins de semaine, mais lorsque j’y suis arrivée, un vrai petit miracle s’est produit! J’ai sorti du placard mes accessoires de voyage: Mes bottes de randonnée, mon sac-à-dos, mes vêtements décolorés et j’ai rempli ma voiture de tout ce dont j’avais besoin pour survivre deux jours, seule dans les bois. Je me suis assise derrière le volant et je suis partie sans savoir où j’allais; comme je l’aurais fait en Afrique ou en Asie. J’ai conduit vers l’est pendant une heure, puis deux, trois et quatre, jusqu’à ce que l’air me semble plus frais et que je sente l’euphorie de la liberté m’habiter de nouveau. Réellement, c’est une émotion qui me transperce et lorsqu’elle m'envahit, j’ai l’impression de pouvoir m’envoler!
J’ai utilisé l’application Plans sur mon téléphone pour identifier des lacs dans les alentours d’où je me trouvais. Un autre élément qui contribue à ma plénitude est l’eau. Si je pouvais trouver un point d’eau au bord duquel m’endormir ce soir-là, je serais complètement comblée… J’ai remarqué quelques routes sans issue sur la carte et je me suis rendue sur place pour choisir la plus difficile d’accès et ainsi m’assurer de me retrouver complètement seule. J’ai pris un petit chemin de terre, croisé un premier lac où j’ai trouvé quelques chalets, alors j’ai poursuivi ma route jusqu’à trouver MON petit paradis. Le chemin de terre que je suivais était désormais barré par cet autre lac bien caché dans la forêt qui débordait à cause d’un énorme barrage de castor. Je me suis alors stationnée, j’ai roulé mes pantalons, pris mon sac à dos et ma tente, et j’ai traversé la rivière à pieds jusqu’à atteindre la berge du lac. Là, comme si j’étais attendue, il y avait une plate-forme de bois prête à m’accueillir pour la nuit et un couple de huards qui chantaient juste pour moi.
J’ai à peine pris le temps d’installer ma tente que je me suis empressée de gonfler mon paddle board pour aller profiter du lac à moi seule avant le coucher du soleil. J’ai pagayé un peu tout autour et puis je me suis étendue sur ma planche et me suis laissée dériver jusqu’à assister à la descente du soleil entre les montagnes, colorant les nuages tout autour de moi... Quel spectacle! Quelle tranquillité et quel sentiment de liberté! Seule au monde, en symbiose avec la nature, dans le silence le plus total... Je me sentais exactement comme je l’avais souhaité: comme en voyage, à la maison.
Vous savez ce qu’il y a de plus beau dans tout ça? C’est que le dimanche soir venu, je n’avais aucune appréhension du fait de retourner à la réalité et travailler le lendemain, parce que je me sentais parfaitement bien; prête à affronter tous les malheurs du monde, forte et exactement à ma place. Je me sentais en paix à ce moment-là et je le suis tout autant aujourd’hui, car j’adore ce que je fais chaque jour. Ma vie me passionne dans tous ses angles, car je fais ce que j’aime tant professionnellement que pour mon plaisir personnel. Les lundis sont des samedis lorsqu’on est heureux et on a le plein pouvoir de le devenir. Ce n’est pas simple, certes, mais ce n’est pas si complexe non plus. Il s’agit de se découvrir, de se connaître par coeur et de répondre à ses valeurs et besoins continuellement: s’analyser, se comprendre, s’écouter et se respecter dans des actions concrètes à chaque jour.
Je n’ai pas eu plus de chance que qui que ce soit dans la vie. Les avions ne m’ont pas coûté moins cher qu’aux autres et mes diplômes ne m’ont pas été envoyés par erreur par la poste. J’ai simplement fait des choix différents de certains autres et je les ai assumés pleinement. J’ai sacrifié d’autres angles de ma vie pour arriver à faire ce qui me permet de m’épanouir fondamentalement et je n’y suis pas arrivée rapidement. Je suis là, à l’aube de ma trentaine, sans famille ni maison, toujours à risque de tout foutre en l’air pour une nouvelle aventure, mais vous savez quoi? C’est parfaitement imparfait comme ça!
N’hésitez pas à m’écrire, si vous souhaitez lire au sujet d’une destination en particulier. Et pour plus de photos de mes aventures, suivez moi sur mes comptes Instagram personnel @charlottebdomingue et professionnel @charlottebdphotographe, ou sur ma page Facebook Charlotte B.-Domingue - Photographe.